Les registres de déportation

Les fiches individuelles de déportation

La Commission d'histoire de l'occupation et de la libération de la France (et le comité d'histoire de la seconde guerre mondiale) a été créée par décision du gouvernement du 20 octobre 1944. Des fiches individuelles sur les personnes déportées ont été réalisées afin d’établir des statistiques de la déportation dans les Alpes-Maritimes.
Ces fiches individuelles indiquent le motif des arrestations et le sort réservé aux personnes arrêtées.
Il semble que l’objectif principal a été de distinguer les juifs, les résistants et les autres et aussi de collecter les informations auprès des communes au moyen d’un questionnaire auquel les maires ont répondu plus ou moins bien.
Il devait paraître plutôt mesquin à cette époque de faire une distinction des souffrances par nationalité, étant donné l’horreur vécue ensemble quelle que soit l’origine, d’autant que les allemands, eux, ne faisaient aucune distinction sur ce critère. De plus, dans les mouvements de résistance les étrangers ont bien participé, donc faire une distinction sur le critère de la nationalité était hors de propos.
La notion de nationalité n’a pas été primordiale car elle ne figure pas dans les rubriques. Elle a été cependant ajoutée de façon manuscrite dans certains cas. La question de la naturalisation des juifs français ayant été remise en cause par le gouvernement de Vichy, la nationalité était à cette époque une question tabou.  Il n’a pas dû être possible donc d’établir des statistiques sur ce critère, bien que ce soit possible après examen individuel des parcours. En effet, les fiches ont été classées par motif d’arrestation et les étrangers font l’objet d’un comptage spécifique ; donc ceux classés comme israélites étaient soit français soit naturalisés français. Je ne me suis pas livrée à cette statistique puisque ceci n’est pas clairement établi.

N’empêche que si l’on faisait une étude statistique parmi les juifs sur cette base, il y aurait eu sur les Alpes-Maritimes 729 juifs français et 119 juifs étrangers déportés (165 étrangers dont 46 résistants ou politiques).Donc, les juifs français auraient représenté plus de 85 % des juifs déportés dans le département.

Le lieu de naissance ne figure pas non plus dans les rubriques. Il semble que la nationalité avait au moment où ce travail a été entrepris moins d’importance que le fait de comptabiliser ceux qui étaient morts en déportation et ceux qui étaient « rentrés ».
Par contre on trouve des précisions sur la date et les circonstances du décès ainsi que sur les arrestations, et sur les transferts d’un lieu à l’autre. Sont aussi notées les coordonnées des survivants éventuels de la famille.
Dans certains cas la date du décès n’est pas connue, mais seulement la formule « disparu ».
Les fiches individuelles ont été classées en catégories :
• Raciaux
• Rentrés
• Non-rentrés
• Motifs indéterminés
• rafles
• Sort inconnus
• Politiques et droit commun
• Transférés en Italie
• Transférés en Italie puis déportés en Allemagne
• Déportés étrangers

J’ai examiné les registres de déportation suivants :
• 169w4 : 466 pages
• 169w5 : 607 pages
• 169w6 : 779 pages
Soit 1952 pages et un total de 1577 individus. Ce nombre a finalement été ramené à 1563 après élimination de doublons.

Sort des juifs déportés après arrestation dans les Alpes-Maritimes (total : 841)

  • Juifs morts en camps de concentration (dont 62 étrangers) 607
  • Juifs non rentrés ou sort inconnu (dont 30 étrangers) 130
  • Juifs rentrés (dont 2 enfermés en Italie et 28 étrangers) 114


Sort des résistants déportés après arrestation dans les Alpes-Maritimes (total : 590)

  • Résistants morts en camps de concentration (dont 3 en Italie et 11 étrangers et 5 en Allemagne après l’Italie) 139
  • Résistants non rentrés ou sort inconnu (dont 11 déportés en Italie et 3 étrangers) 127
  • Résistants rentrés (dont 171 enfermés en Italie et 8 étrangers et 25 en Allemagne après l’Italie)) 324


Les juifs ont été déportés en Allemagne dès le départ des italiens le 8 septembre 1943 (qui occupaient Nice depuis le 11 novembre 1942) et leur remplacement par les allemands le 9 septembre 1943 (partis le 28 aout 1944). Le rythme des déportations semble même s’être accéléré jusqu’à la fin.
J’ai pu observer que ceux déportés en Italie, surtout des résistants, ont été libérés presque tous quand l’Italie a capitulé, alors que ceux déportés en Allemagne, surtout des juifs mais aussi les résistants arrêtés à partir du 9 septembre 1943 ne sont pratiquement jamais revenus.

Signalons aussi les 92 déportés pour lesquels il n'y a pas de motif, dont seulement 16 sont rentrés. Ils sont revenus certes, mais ils n'ont jamais su pourquoi ils avaient été déportés!

Il s'agirait aussi de préciser que parmi ceux qui rentraient, beaucoup mourraient peu de temps après. Le récit de Marguerite Duras dans son ouvrage "la douleur", édition P.O.L., 1985, 216 pages sur le retour de son mari de camps de concentration donne une idée de l'état de santé de ceux qui revenaient (voir un extrait de ce texte sur un site http://d-d.natanson.pagesperso-orange.fr/la_douleur.htm  )

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