Attitude de la populationn
Attitude générale
D'après les rapports rédigés par les Préfets (Ribière puis Chaigneau) qui suivaient un plan type, du genre : situation internationale, nationale et locale, un chapitre était toujours consacré aux problèmes d'approvisionnement.
En avril 1942 le Préfet Ribière estimait que 20 % de la population était sans réserve derrière le gouvernement par esprit de discipline, 20% souhaitaient la victoire anglaise dont les israélites, les communistes et une partie de la bourgeoisie, et 60% était indécise car cela dépendait de l'approvisionnement. (cote du document 0616w 0097, page 193).
Les soucis d'approvisionnement étaient graves par le fait que la région était complètement dépendante du reste de la France et comme rien ne fonctionnait, à Nice on avait faim, y compris les enfants qui n'avaient pas de lait. Tout manquait cruellement. Ceci a perduré après la Libération. En août 1944 j'ai relevé de nombreux vols de denrées soit dans les champs soit dans des magasins. En particulier un braquage dans un entrepôt de pâtes, le premier vol à main armée pour des pâtes; ça aurait pu être une comédie italienne mais ce n'était pas pour rire (616w97 page 365).
Quelques commentaires relevés
- le 26 janvier 1942, la réaction du public qui regardait les actualités au cinéma "l'Escurial" ont sifflé les italiens et ont applaudi les canadiens et les australiens (616w97, page113)
- A l’occasion d’une note d’information de septembre 1943 relatant les différentes arrestations observées par la police française on peut lire un paragraphe sur la réaction à ces embarquements « La foule des voyageurs manifestait à haute voix son indignation lors de l’embarquement à 11 h dans le wagon situé en tête du train. Plusieurs injures ont été proférées à l’adresse des soldats allemands qui ne semblèrent pas avoir compris » (page 444)
- 22 septembre 1943 : « Les témoins de ce « spectacle » ont été écoeurés et manifestaient entre eux, à voix basse, toute leur indignation et disaient :« voilà la nouvelle civilisation c’est du beau… » (166w6 p 558)
- 22 septembre 1943 : A l’occasion d’une fanfare allemande à la gare pour saluer un militaire : aucun applaudissement n’a eu lieu (166w6 p 559)
- 23 septembre 1943 : Applaudissement au cinéma à la fin d’un film russe (166w7, p 851 et 852)
- 20 octobre 1943 : Notre population se réjouit de l’évolution de la guerre (166w7, p 621)
- Novembre 1943 : A propos de l’attentat contre le Dr Troutou on peut lire «la majorité des commerçants ne réprouve pas cet acte de terrorisme ». On entend parmi les réflexions des gens « c’est bien fait » ou « on ne vend pas impunément son pays ». parmi les commerçants à tendance gaulliste on se réjouit de cet attentat et de voir Nice suivre l’exemple de Grenoble et de la Savoie » (166w6, p 62)
- 19 novembre 1943 : les affiches de propagande allemande contre le bolchévisme sont lacérées quelques heures après le collage dans le vieux-Nice (166w7, p 346)
- 23 nov 1943 : Rassemblement d’une cinquantaine de curieux qui ne se gênaient pas pour critiquer à haute voix les gestes de brutalité des soldats et qui ont été dispersés par un brigadier et un agent de police (166w6 p 549)
- 14 janvier 1944 : dans une conversation interceptée par la censure entre 2 membres du Rassemblement National Populaire, groupuscule d'extrême droite, j'ai relevé la phrase suivante (166W15, page 912) : "la Gestapo recommence à faire l'épuration des juifs mais se plaint du peu d'empressement à collaborer avec eux de la part de la population"
Simone Veil qui a été arrêtée à Nice avec toute sa famille raconte dans un ouvrage biographique les circonstances de son arrestation et sa déportation, puis son engagement politique. A propos de la population niçoise, elle écrit « En dépit de tous les efforts qu’elle déployait, secondée par ses indicateurs et ses physionomistes, la Gestapo ne parvenait pas à effectuer des rafles aussi efficaces que dans d’autres villes, d’une part du fait de la réelle solidarité des niçois entre eux, d’autre part parce ce que la police française était de moins en moins portée à collaborer » Une vie, Simone Veil, Stock 2007, 398 pages, page 46.
Il faudrait ajouter cependant que lors des rafles de 1942, en particulier celle des 25 et 26 août 1942, la police française était soucieuse de connaître l'opinion de la population et plusieurs rapports en font état. Il se trouve que s'agissant de juifs "étrangers" il y avait 3 réactions parmi la population : ceux qui étaient indifférents, ceux qui s'en inquiétaient, notamment des hommes d'Eglise, le Cardinal Gerlier et qui ont compris que ce n'était qu'un début. Le fait de séparer les enfants de leurs parents était le plus choquant et aussi l'inquiétude sur le lieu de destination qui était inconnu. Mais il y en avait aussi qui se réjouissaient de voir disparaître des indésirables qu'ils rendaient responsables de leur malheur et surtout du marché noir (166w16, page 445). Voici cet épisode de 1942 dans le menu Rafle d'août 1942.
Le départ des italiens et l'arrivée des allemands
Noémi Faingersch, alias Noémi Sinclair-Kharbine, a raconté sa liaison amoureuse avec un officier italien du 14 mai 1943 au 13 septembre 1943 sous forme d’un journal qu’elle a écrit quand elle avait un peu plus de 20 ans (L’été italien - 1943, édité chez France Europe Editions en 2003). Elle était russe juive et s’était réfugiée à Golfe-Juan avec sa famille. Elle cachait sa relation avec un soldat italien surtout par rapport à sa famille car elle était fiancée.
Les italiens sympathisaient volontiers avec la population, car il y avait beaucoup d’italiens installés dans la région depuis longtemps mais surtout le régime de Mussolini pourchassait les anti-fascistes mais pas spécialement les juifs.
Ce fut très différent avec l’arrivée de la Wehrmacht puis de la Gestapo qui commencèrent immédiatement les rafles et les déportations, à commencer par les soldats italiens démobilisés qui furent expédiés dans les camps de concentration.